Des couleurs dans la nuit

Assis dans mon lit, j’écoute la nuit. Je guette le retour du bruit bizarre qui m’a réveillé. Inquiet, je fixe le store de la fenêtre de ma chambre. Pourtant descendu, comme chaque soir. Je déteste habiter au rez-de-chaussée de l’immeuble. Mes poils se hérissent sur mon corps glacé.
Je me laisse couler sous la couette. Je veux disparaître, de mon ventre monte un appel silencieux : Mut, viens m’aider. Au secours, Mut !
Le cliquetis du store qu’on relève se reproduit. C’est celui de la pièce d’à côté. Je déglutis. Écoute, tendu par la peur. La fenêtre tape et le son résonne en tempête sous mon crâne. L’intrus qui vient de pénétrer dans la chambre de mon grand frère est terriblement discret. Mut ne viendra pas me rassurer.
Il est en danger. Sur mon réveil lumineux, les chiffres des secondes mettent une éternité pour avancer.
Je m’agrippe au drap plaqué sur mon nez. Dans mon cerveau, notre appartement défile : le grand lit vide des parents, invités chez leurs amis d’où ils reviennent très tard.
La commode où maman range ses boucles d’oreilles et son collier en or. L’ordinateur portable que papa vient d’acheter, resté sur la table du salon, et la console de jeux sous la vieille télévision.
Mon argent de poche dans la tirelire sur mon étagère et le matériel de son numérique dernier cri que Mut s’est fait offrir pour ses seize ans.
Mon frère a le sommeil hyper lourd. Le voleur qui marche avec précaution dans sa chambre ne le réveillera pas. Le casque et son MP3 doivent être posés à côté de son lit comme toujours.