La position de schuss
Avec La Position de schuss, Loris Bardi signe son premier roman, qui déploie, sur fond de jet-set américaine, les délices amères d’une comédie mordante et désenchantée, riche de surprises, où se mêlent, avec brio, luxe, luxure et luxations.
Présentation de l'éditeur
Les champs opératoires sont les champs les plus beaux, surtout quand on restaure l'ossature malmenée des stars ou les squelettes déviés des galeristes chics, et ce, au sein d'une fort sélecte clinique new-yorkaise, et j'en connais certains qui sont de purs régals, vous permettant d'exercer votre goût des arts et votre aptitude à la sculpture. C'est ce qu'a longtemps pensé le chirurgien Thomas Haberline, héros de La Position de schuss et scalpel roi de la clinique Sharperson. Arrive néanmoins le jour où le rêve fraîchit, notre homme étant touché par un mal redoutable : le vif désir de se faire écrivain. L'homme de plume ayant, à ce que dit l'Histoire, le gosier fort pentu, notre Thomas met un point d'honneur à boire, boire encore, boire sans fin. Et c'est là qu'est l'os, la dérive tremblotante de ses performances chirurgicales entraînant querelle avec son équipe, mise à pied et renvoi. Les champs opératoires sont devenus ceux du déshonneur. Quelques âmes bienveillantes, notamment des femmes, se pencheront sur ce destin déboîté et rendront à cette âme foulée le bon usage de ses capacités. Et l'on n'est pas près d'oublier l'ondoyante et longiligne professeur de biologie Lambertson, Valentina la galeriste sinophile qui initie notre orthopédiste à la dimension plastique et conceptuelle du biscuit pour chien. Avec La Position de schuss, Loris Bardi déploie, sur fond de jet-set américaine, les délices amères d'une comédie mordante et désenchantée, les zigzags d'une vie où se mêlent luxe, luxure et luxations.
Extrait
On a tendance à croire que les gens du show-business ne vivent qu’entre eux et fréquentent les mêmes endroits et les mêmes gens dans un cercle géographique restreint qui va de la 59e Rue à la 110e, de Central Park à l’East River, mais c’est à l’inverse une catégorie socioprofessionnelle qui génère un brassage de population venant de milieux très différents qui au premier abord n’ont rien à voir entre eux. Les problématiques juridiques liées aux droits d’auteurs permettent aux avocats et aux acteurs-réalisateurs-scénaristes de se côtoyer. Les comédiennes sont souvent en contrat avec les maisons de joaillerie, avec le milieu du journalisme. En règle générale tout ce beau monde fréquente le cercle fermé du luxe et plus spécifiquement les concessions automobiles de prestige, les tables de haute gastronomie, les agences immobilières de standing.
Le milieu médical peut générer ce genre de pont relationnel avec les sphères du show-business, en particulier pour la spécialité de chirurgie esthétique. Dans le cas de l’orthopédie, la connexion est moins flagrante. Et pourtant, je baignais dans le milieu artistique depuis déjà bien longtemps. La plupart de mes amis étaient plasticiens, peintres, écrivains ou acteurs. Ils composaient les cercles underground de toute la côte est aussi bien que les milieux plus institutionnels des centres d’art contemporain et des galeries. J’avais eu, quelques années auparavant, une liaison avancée – c’est le terme adéquat utilisé dans la classe sociale supérieure de cette ville pour définir une liaison entre deux individus qui passent plus d’un mois ensemble – avec Valentina Cavalli, la « Valentina » de la galerie Valentina à Soho. Cette relation avait eu l’avantage d’engendrer de nombreuses rencontres dans un laps de temps plutôt restreint, relations que j’entretenais encore aujourd’hui avec plus ou moins de plaisir. Mais mon statut de médecin à la mode m’était tombé dessus bien avant ma relation avec Valentina, précisément au début de l’été 194 lorsque je raccompagnai à sa voiture une patiente qui était dans l’incapacité de poser le pied à terre. Je venais de l’opérer d’un hallux valgus sévère additionné à une pronation du gros orteil. Entre autres soins pratiqués par une infirmière à domicile et un traitement antalgique et anti-inflammatoire important, un repos complet avec interdiction de poser le pied à terre pendant trois semaines lui avait été prescrit. Elle était venue seule à la clinique et personne n’avait eu l’air de se préoccuper de sa santé ni de vouloir briser cette solitude infinie dans laquelle elle était visiblement plongée. Je l’avais donc aidée à traverser le couloir et les quelques mètres de parking de la clinique afin de l’installer au volant de son beau cabriolet.
Cinq jours plus tard, alors que je remontais la Trente-et-unième Avenue en direction d’un négociant de spiritueux que j’affectionnais particulièrement, je croisai au kiosque à journaux ma tête à la une de US Weekly. Quatre photos composaient un encart de bonne taille et malgré une mise au point effectuée sur le visage de la jeune femme, le lecteur n’avait aucun mal à me distinguer, tenant le bras de ma patiente, laquelle semblait se reposer entièrement sur ma personne. Le tout était légendé par la plume du poète reporter « Encore une liaison, mais quand s’arrêtera-t-elle? ».