Borne

Auteur : Jeff VanderMeer
Editeur : Diable Vauvert

Dans une ville en ruine, détruite par la sécheresse et les conflits où les humains survivent comme des charognards, Rachel trouve Borne pendant une mission de récupération et le ramène à la maison. Borne est une masse verte vivante, plante ou animal inconnu, mais dégage un étrange charisme. Mère refoulée, Rachel garde Borne et s'attache à la créature comme à un enfant. Doué d'empathie, Borne montre à Rachel la beauté dans la désolation qui l'entoure. Et alors que la créature grandit et commence à menacer l'équilibre du pouvoir dans la ville, elle modifier profondément les perceptions et émotions de ceux qu'elle côtoie.
Roman d'action riche en personnages, tableau saisissant d'un futur redoutable mais très crédible, roman sur la parentalité et l'amour, Borne parvient surtout à être une dystopie positive, guidée par l'espoir que la chose insuffle aux humains.

Traduction : Gilles Goullet
22,00 €
Parution : Octobre 2020
480 pages
ISBN : 979-1-0307-0366-5
Fiche consultée 23 fois

Extrait

Ce que j’ai trouvé et comment je l’ai trouvé

J’ai trouvé Borne quand l’ours géant Mord est venu rôder près de chez nous par une belle journée couleur bronze. Pour moi, au début, Borne n’était qu’un objet de récupération. J’ignorais quelle importance il aurait pour nous. Je ne pouvais pas savoir qu’il changerait tout. Y compris moi.
Il ne payait pas de mine, ce jour-là : violet foncé, à peu près de la grosseur de mon poing, cramponné à la fourrure de Mord comme une anémone de mer à demi fermée ayant échoué là. Je ne l’aurais jamais trouvé si, à la manière d’une balise, sa couleur violette n’était parcourue d’une lueur émeraude toutes les trentaines de secondes.
Arrivée à proximité, j’ai senti une odeur de saumure monter telle une vague, et un instant, je n’ai plus été dans une ville en ruine, je n’ai plus été en quête d’eau et de nourriture, il n’y a plus eu de bandes nomades ni d’êtres modifiés en fuite dont les origines et les intentions restaient obscures. Il n’y a plus eu, pendus aux lampadaires brisés, de cadavres mutilés et brûlés.
Arrivée à proximité, j’ai senti une odeur de saumure monter telle une vague, et un instant, je n’ai plus été dans une ville en ruine, je n’ai plus été en quête d’eau et de nourriture, il n’y a plus eu de bandes nomades ni d’êtres modifiés en fuite dont les origines et les intentions restaient obscures. Il n’y a plus eu, pendus aux lampadaires brisés, de cadavres mutilés et brûlés.
Au lieu de cela, pendant un moment dangereux, cette chose que j’avais trouvée provenait des flaques de marée de ma jeunesse, d’avant mon arrivée en ville.
Je sentais l’odeur de fleurs séchées du sel, le souffle du vent, la fraîcheur de l’eau qui venait clapoter sur mes pieds. La longue pêche aux coquillages, la voix bourrue de mon père, celle plus modulée et plus aiguë de ma mère. La chaleur mielleuse du sable autour de mes pieds tandis que je levais le regard vers l’horizon et les voiles blanches annonciatrices de visiteurs extérieurs à notre île. Si j’ai vécu un jour sur une île. Si cela a été vrai un jour.
Le soleil au-dessus du jaune carié d’un des yeux de Mord.
Pour découvrir Borne, j’avais passé toute la matinée à remonter la piste de Mord, depuis son réveil à l’ombre du bâtiment de la Compagnie, loin au sud. Le souverain de fait de notre ville s’était élevé dans le ciel, avant d’approcher de l’endroit où je me cachais afin d’assouvir sa soif en volant vers le nord, son énorme gueule grande ouverte, à ras de
la rivière polluée. Seul Mord pouvait y boire sans risquer sa vie: la Compagnie l’avait fabriqué ainsi.
Il était ensuite remonté d’un coup dans le bleu du ciel, assassin aussi léger qu’une graine de pissenlit.
Lorsqu’il avait trouvé une proie, assez loin à l’est, sous de vilains nuages sans pluie, Mord avait plongé de tout là-haut et privé de leur souffle des morceaux de viande qui poussaient des hurlements.
Il les avait réduits à une brume rouge, à une vague houleuse de l’haleine la plus fétide qu’on puisse imaginer. Parfois, le sang le faisait éternuer.
Personne, pas même Wick, ne savait pourquoi la Compagnie n’avait pas prévu que son chien de garde Mord causerait sa perte... ni pourquoi elle n’avait pas essayé de le détruire tant qu’elle le pouvait encore. C’était trop tard, désormais, car non seulement Mord était devenu gigantesque, mais il avait, par je ne sais quelle magie technologique extorquée à la Compagnie, appris à léviter, à voler.

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