22 leçons de philosophie par et pour les mauvaises filles, les goudous, les travelos, les couires, les petits pédés et les grandes folles

Auteur : Alain Guyard
Editeur : Le Dilettante

Depuis Platon, la philosophie est une affaire de mecs en mal de muscles, et pour lesquels le concept est un substitut au zguègue. Par bonheur, l’histoire de cette discipline est truffée de gonzesses qui n’eurent pas froid aux yeux et montèrent à l’assaut de l’Olympe phallocratique de la pensée. De furieuses gisquettes s’ingénièrent à débusquer la supercherie sexiste et à voler l’héritage aux hommes, d’autres s’appliquèrent joyeusement à le démolir. D’autres encore se mirent à philosopher par-delà femme et mâle, dans un pétaradant carambolage de concepts transgenres. C’est de tous ces phénomènes oubliés qu’on va causer, en dressant les portraits de ces mauvaises filles, goudous, travelos, couires, petits pédés et grandes folles qui s’amusèrent au chamboul’-tout, bousculant la respectabilité de la vieille dame philosophie pour la convertir en meneuse de revue d’un cabaret conceptuel d’un nouveau genre.

20,00 €
Parution : Novembre 2020
256 pages
ISBN : 979-1-0308-0024-1
Fiche consultée 90 fois

Extrait

À première vue, la métaphysique, cette marotte pour vieux puceau maniaque, paraît bien inoffensive, et on ne voit guère en quoi elle est sexuée. Mais si Aristote déboulait dans une cuisine quelconque, avec son air pincé et son bouquin de métaphysique sous le bras, et s’il annonçait à la mégère calée devant l’évier, comme il l’écrit au second livre de son Traité sur la génération des animaux, qu’elle n’est rien d’autre qu’un mâle mutilé... à qui il manque le principe de l’âme, j’imagine que la matrone soupirerait de lassitude, mais n’en aurait pas grand-chose à braire, de l’être, de l’âme et de tout le toutim, de tout ce qui demeure et dure. Parce que la daronne a depuis toujours les mains dans l’eau de vaisselle, le sang, les sanies et le sperme, et que ces pinailleuses entrouducuteries sur l’Être la feraient vite tartir. Or cette rencontre avortée entre Aristote et la ménagère de plus de cinquante ans révèle combien la spéculation métaphysique est une invention, par les hommes, et pour les hommes. En vérité, les femmes se contrefoutent de ce qui dure, parce qu’elles doivent se coltiner ce qui ne subsiste jamais, ce qui se renouvelle et se corrompt sans cesse. Cela commence à la puberté, avec ce corps qui a ses coquelicots tous les vingt-huit jours, puis avec les premiers chiards qui lui poussent au fond, la déforment par en dedans, naissent, pissent, chient, bouffent, rotent, rechient et rebouffent. Cela continue avec le mari, dont il faut remplir la panse et vider les génitoires. Cela s’achève avec le beau-père dont il faut garnir la cuillère et vider le pot. L’univers maudit auquel les femmes ont été consignées de force, ce sont les corps qu’on nourrit, qu’on lave, qu’on accouche, corps qui naissent, grandissent, se blessent, s’usent et dépérissent, et puis meurent, toute cette viande qui se gonfle et se vidange, qu’il faut vider et emplir, ces sacs et ces poches, ces ventres et gueules, cavités et fluides, humeurs et jus, foutre et suc, viande en sauce et serpillière....
– Allez trouver là-dedans de l’être qui résiste au changement ! qu’elle gueulerait au métaphysicien, la matrone, si elle avait des lettres, et fouillez-moi donc un peu les chiottes, pour y trouver l’âme au fond des couches !
En leur for intérieur, tous les hommes savent combien la ménagère est dans le vrai. Ils savent pertinemment que le réel est pâteux comme un lendemain de cuite, et le monde, une branloire pérenne, comme disait le bon Montaigne. Notre destin est taillé dans le caramel mou et le saindoux, et la vie nous balade sans cesse de la capilotade à la déconfiture. Mais les hommes ne sont pas assez forts et lucides pour être capables d’un tel constat. Il leur faut du mystique et du solennel, des ors et de la pompe. On raconte que l’empereur Vespasien, entrant en agonie, demanda à ses esclaves de le lever de son lit de mort pour une importante déclaration. Les valets s’exécutent et déplumardent celui qui sera bientôt vénéré à l’égal de Zeus dans tous les temples de l’empire, comme c’est le cas de tous les césars qui s’en viennent à trépasser. Il se dresse donc, le croulant couronné, chancelle et titube, prend une inspiration et prépare la sentence définitive. La famille et la meilleure société romaine, rassemblées autour du fatal baldaquin, retiennent leur souffle et supputent... Quelle devise éternelle va sortir de cette bouche fleurie ?... Mais tout d’un coup... Ran ! son cul, à Vespasien, se vidange à gros bouillons, et plof ! toute la merde lui dégouline jusque dans les chausses, et flac! finit en catafouine et mouscaille sur le marbre de Carrare... Alors l’empereur, à mi-chemin entre le gâtisme et le génie, de s’écrier :
– Regardez! Regardez! Je deviens Dieu!
Chaque homme est un petit Vespasien en transit. On veut de la pompe, et on n’aura que de la merde. Mais nous avons tous été élevés comme des futurs petits dieux, et nous ne pouvons supporter la déconfiture du conte de fées. Alors nous plastronnons en inventant ce qui résiste absolument au temps, et que nous appelons l’éternité, l’âme, l’immortalité... Et puis soudain, nous croisons le regard fatigué des femmes. Qui savent. Qui nous ont torchés, relevés, couchés, nourris, vidés... Qui nous ont patiemment épongés, du front à l’asperge. Alors nous leur en voulons, de cette lucidité. Et voilà pourquoi les hommes inventent la religion, par pures représailles contre le savoir profond des femmes. Et voilà pourquoi les théologiens n’osent pas s’approcher des femmes aux règles impures. Et voilà pourquoi les hommes voilent les cheveux des femmes, ces cheveux qui poussent, ondoient, et rappellent que ce sont le mouvement et l’imprévisible qui dominent la vie. Voilà pourquoi l’amour de Dieu cache à peine la haine des femmes.
La femme n’a pas sa place dans une métaphysique de l’être parce qu’elle sait l’imposture de cette couillonnade pour petits garçons grandis trop vite. La femme, lasse des impostures, n’est pas la bienvenue dans la philosophie. Mais ça n’est pas grave, parce que la philosophie n’est qu’une imposture inventée par les fils pour se venger de leur mère...

Informations sur le livre