Le Coup du Siecle

Auteur : Irvine Welsh
Editeur : Diable Vauvert
En deux mots...

Humour noir et rédemption : une comédie sauvage où le champion du roman social dézingue joyeusement les derniers tabous de l’Angleterre.

Traduit de l’anglais (Écosse) par Diniz Galhos
22,00 €
Parution : Septembre 2021
528 pages
ISBN : 979-1-0307-0420-4
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Présentation de l'éditeur

Terry Lawson, après avoir servi de chauffeur à de nombreux écrivains pour le Festival d'Édimbourg, décide qu'une solide éducation littéraire sera un atout dans ses escapades sexuelles implacables et l'aidera à compenser la perte de sa virilité. Il rencontre Wee Jonty, un personnage bien nanti, gentil mais obscur, comme Curtis de Porno, dont la petite amie Jinty Magdalen a disparu. Lawson accepte de l'aider à la retrouver, ses « enquêtes » lui faisant remettre en question les motivations d'un homme d'affaires américain de premier plan et star de télévision Ronald Checker (un pastiche de Donald Trump) et son rôle dans la disparition de Jinty. La narration du livre alterne entre Lawson, Jonty et Checker.
Fidèle à ce qui fait sa patte, Irvine Welsh crée un personnage central d'arnaqueur misogyne sans vergogne et, à partir d'un matériau très sombre, déploie un humour noir au vitriol pour se renouveler dans une comédie sauvage qui abat les derniers tabous. Ce serait La Pire personne au Monde en Écosse. Attachez vos ceintures, ça va bouger !

Extrait

— Tdvinras jamais qui c’est qu’j’ai pris en course l’autjour, lance « Juice » Terry Lawson, son corps puissant moulé dans un survêtement vert pétant. Ses boucles luxuriantes remuent au gré des rafales qui fouettent le mur de plexiglas reliant l’aéroport à une file de taxis en stationnement. Terry s’étire, bâille ostensiblement, manches retroussées pour exposer ses gourmettes dorées et les deux tatouages qui recouvrent ses avant-bras. Le premier représente une harpe qui ressemble plutôt à un coupe-œuf, avec au-dessus et en dessous, écrit sur des parchemins, « hibernian fc » et « 1875 ». Le second représente un dragon crachant du feu et décochant un clin d’œil aguicheur au reste du monde, invitation explicitée par le sous-titre en capitales manuscrites : « let the juice loose », « Laisse le jus couler ».
Pour toute réponse, son ami Doughheid, un homme d’une maigreur de grand asthmatique, lui jette un regard vide. Il allume une clope et se demande combien de milligrammes de nicotine il arrivera à inhaler avant d’affronter la troupe de passagers tout juste débarqués qui approchent, poussant dans des cliquetis leurs chariots ployant sous les bagages.
— L’autcon dla télé, là, révèle Terry en se grattant les couilles à travers le polyester.
—Lquel? marmonne Doughheid, repérant la pyramide de valises d’une famille nombreuse d’origine indienne. Il croise les doigts pour que l’homme à l’air distrait qui trottine derrière parvienne à les doubler, afin qu’il n’ait pas à charger tous ces bagages dans son taxi. Autant que ce soit Terry qui s’y colle. L’homme porte un long manteau de cachemire, ouvert sur un costume sombre, cravate et chemise blanche. Il arbore des lunettes à monture noire et, élément le plus remarquable, une crête sur la tête.
Soudain, à la plus grande joie de Doughheid, il presse le pas et dépasse la tribu. Et puis tout aussi brutalement, il s’im- mobilise, consulte sa montre, tandis que la famille indienne fond sur Doughheid comme des vautours sur une carcasse. — S’il vous plaît, s’il vous plaît, vite, vite, s’il vous plaît, lui supplie le patriarche d’un ton doucereux, alors qu’un violent grésil se met à tambouriner contre le plexiglas.
Terry regarde son ami se débattre avec les valises. — L’autcomique, là, sur Channel 4. I stapait cette meuf, comment qu’elle s’appelle djà, trop gaulée. Il trace dans l’air la silhouette d’un sablier, puis s’adosse confortablement à la paroi de plexiglas pour se protéger.
Mais alors que Doughheid lutte et grogne en chargeant les bagages, Terry considère l’homme aux lunettes et au long manteau, sa coupe saugrenue balayée tous azimuts par le vent, ses doigts martelant violemment son téléphone. Terry a l’impression de l’avoir déjà vu quelque part, un groupe de musique peut-être, et il remarque qu’il est plus âgé que ce que sa crête laisse entendre. Un assistant fait soudain sa timide apparition à ses côtés, cheveux blonds rasés au-dessus d’un visage tendu et circonspect. — Je suis vraiment désolé, Ron, la voiture qu’on a commandée est tombée en panne –
— Je veux plus te voir ! aboie le businessman punk (c’est ainsi que Terry l’appelle intérieurement) avec un accent américain. — Je vais prendre ce foutu taxi ! Arrange-toi pour déposer mes bagages dans ma chambre d’hôtel !
À travers ses verres teintés de rose, le businessman punk ne croise même pas le regard de Terry, monte à l’arrière du taxi et referme brusquement la portière. Son assistant, honteux, reste planté sur le trottoir.
Terry passe derrière le volant et met le contact. — C’est où qu’on va, chef ?
—Quoi? Derrière ses verres photochromiques, le businessman punk fixe la tignasse bouclée.
Terry pivote sur son siège. — Vous. Voulez. Que. Je. Vous. Dépose. Où.
Le businessman punk a bien conscience que ce chauffeur aux mèches en tire-bouchon est en train de lui parler comme s’il avait cinq ans. Ce connard de Mortimer, incapable d’orga- niser quoi que ce soit. Résultat, il faut que je supporte ce genre de conneries. Il serre un peu plus la sangle du plafond dans sa main, et déglutit. — Hôtel Balmoral.
L’Immoral ! — Xcellent choix, mon vieux, répond Terry, consultant mentalement la liste de ses ébats sexuels dans cet hôtel, qui ont quasiment tous eu lieu durant deux périodes bien précises du calendrier. Rien de tel que Hogmanay, le réveillon du nouvel an écossais, et le Festival international d’Édimbourg en août, pour améliorer un peu son ordinaire, composé essentiellement de meufs de cité et d’actrices pornos semi-pro. — Pi vous bossez dans quoi, alors ?

Informations sur le livre