Celui qui ne combat pas a déjà perdu
Thierry Marx est une figure qui détonne dans le paysage gastronomique français : par son parcours, sa personnalité mais aussi par son engagement pour de nombreuses causes.
À ceux qui disent qu’il s’éparpille, il répond que tout est lié. Dans cet ouvrage, il revient sur son itinéraire romanesque jusqu’à l’excellence en cuisine : de cette histoire découlent tous ses engagements et ses combats quotidiens.
En cette période troublée, il nous rappelle que rien n’est jamais perdu pour celui qui a un projet.
Extrait
Des milliards d’individus, confinés, infantilisés, Netflixisés. Un monde qui s’arrête comme une locomotive entre deux gares. Personne ne descend. Derrière les vitres, le printemps revient, les jours s’allongent, les informations sont en blouses blanches ; souvent loin de nos vies entre parenthèses. Et il va falloir que le train reparte. Mais pour aller où ?
Solitaire et solidaire
Pendant ces jours étranges, je maintenais une activité à distance avec mes équipes, je donnais quelques coups de main aux Restos du cœur ou à des associations. Les communications le disputaient souvent à l’épluchage des dernières informations et une petite musique me revenait dans la tête. Les mots « ne plus être solitaires mais solidaires » que le président de la République avait employés plusieurs fois. Il y avait quelque chose qui me gênait. Je comprenais qu’il souhaitait nous faire sortir d’une forme d’individualisme. Que son idée était de nous rassembler. Que notre système était à bout. Et c’était sans doute le message qu’il fallait envoyer au pays. Ce qui me gênait vraiment, c’était le « mais ». Parce que ce que la vie m’a appris, c’est que pour s’en sortir il faut être solitaire ET solidaire.
Pour moi, une vie réussie est à angle droit. Solitaire est la ligne verticale, le sens de l’engagement, le sens de l’honneur ET solidaire, le souci des autres, l’altruisme... c’est l’horizontalité.
Il faut que les deux lignes se rencontrent de la meilleure des manières. C’est dans cet équilibre que l’on peut être heureux.
L’école du deuil
Aujourd’hui, la sidération a laissé place à la peur. On consulte les assureurs, les banquiers, l’État... Est-ce que ma famille va être touchée ?
Est-ce que je vais perdre mon travail ? Est-ce que je vais garder ce que j’ai mis trente ans à construire ? Chacun sait qu’il va falloir faire le deuil d’une certaine société. Et chacun ignore si au sortir de cette période nous retomberons dans nos travers.
Il va falloir faire l’école du deuil. Lâcher la main du passé. Accepter des sacrifices pour créer des opportunités.
Aujourd’hui, la peur suinte des murs. Chacun y va de ses grands discours sur le monde d’après. Vraiment, nous serons meilleurs demain ? Je ne le crois pas. Je pense qu’une fois l’épreuve passée, la fragilité de l’âme humaine sera la même.
Il faut se poser la question de ce que l’on abandonne dans le capitalisme et de ce que l’on garde. Le capitalisme est efficace, mais il n’est pas juste. La question est de savoir comment reconstruire une économie à impact social et environnemental. Toute la question est là. L’école du deuil est là. Il faut définitivement lâcher les mauvaises habitudes du passé.